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Blog de la section PS Anzin

Sarkozy chez Drucker : en parlant de Belmondo, l'ancien président s'est trahi

16 Avril 2013 , Rédigé par José Pressoir Publié dans #Sarkoland

 

Sarkozy chez Drucker : en parlant de Belmondo, l'ancien président s'est trahi

Avatar de François JostPar 
Analyste des médias

Nicolas Sarkozy a rendu hommage à Jean-Paul Belmondo dans un Vivement Dimanche consacré à l'acteur (Capture)

Nicolas Sarkozy a rendu hommage à Jean-Paul Belmondo dans un Vivement Dimanche consacré à l'acteur (Capture)

 

Nicolas Sarkozy est sorti de son silence médiatique pour rendre hommage à Jean-Paul Belmondo dans un "Vivement Dimanche" consacré à l'acteur.

  Dans un livre publié au début du quinquennat précédent (1), j’avais mis en avant que Nicolas Sarkozy était un politique d’un nouveau genre, un politique élevé au biberon par la télévision et qui savait se mouler dans ce média, un "téléprésident".

Contrairement à Lionel Jospin, qui avait refusé en 2002 de passer chez Michel Drucker par une sorte de rigorisme méfiant envers la société du spectacle, Nicolas Sarkozy avait su en user, n’hésitant pas à sacrifier son intimité sur l’autel de l’humanité. Car passer chez Michel Drucker, c’est avant tout devenir humain, redescendre de cet Olympe dans lequel vivent les politiques, si éloigné de notre monde.

L'homme parle... et ne dit rien

C’est d’ailleurs bien ce que met en avant l’animateur dès le début de l’entretien :

"On ne vous voit pas, on ne vous entend pas depuis des mois. Mais, pour Jean-Paul Belmondo, vous faites une exception."

Car, dans ce monde où se déroule l’interview, celui d’une télévision immune, on ne lit pas les journaux, on ne regarde pas les JT, on ignore tout des photos de l’ex-président dévasté par son interrogatoire de neuf heures par le juge Gentil, tout des citations du nom de Sarkozy dans de multiples affaires…

Dans cet Olympe, où l’on reçoit des gentils qui ne sont pas juges, c’est l’homme qui témoigne et non le politique. Celui-ci la joue modeste : il sort de son silence parce que "c’est un devoir pour tous les Français". Pour dire quoi ? Ceci :

"Jean-Paul Belmondo a donné trop de bonheur. C’est un homme qui a fait tellement de bien. Un homme qui a fait rêver et qui nous fait encore rêver. C’est un homme qui nous donne à chaque minute une leçon de vie. À chaque minute. Autant sa vie est une leçon, autant il n’a jamais donné de leçon. Et, mon dieu, comme tant de ceux d’aujourd’hui devraient s’inspirer de cet exemple."

J’avoue que l’enchaînement de la pensée ne me semble pas évident. "Trop de bonheur"… Pourquoi trop ? Y a-t-il du danger à donner trop de bonheur ou une partie du raisonnement manque-t-elle ? "Tellement de bien" : à donner du bonheur ? "Qui nous donne une leçon de vie chaque minute" ? Parce qu’il a eu un AVC et qu’il a lutté pour continué à vivre ? Oui, sans doute.

Il refait le coup de "l'ardoise magique"

Car celui dont parle Sarkozy, c’est d’abord de l’homme et seulement ensuite de l’acteur. Et, comme on sait, pour l’ex-président, la valeur d’un homme se mesure à son exemplarité. En filigrane se donne à lire une sorte d’acte de contrition chez celui qui s’est rendu inimitable par son "Casse-toi pov’ con !". Lui qui n’a pas su être cet homme exemplaire qui aurait donné une leçon de vie aux Français considère soudain que la valeur d’un homme se mesure à sa capacité d’inspirer ses semblables.

On sent dans cet argument pointer l’idée que l’on peut tout effacer et recommencer. Technique de l’ardoise magique que j’ai mise en avant ici-même.

De même que Nicolas Sarkozy, en janvier 2007, avait su utiliser ses mésaventures conjugales pour soutenir que le malheur l’avait changé, l’hommage à Jean-Paul Belmondo laisse entendre l’idée qu’il a compris son erreur et que dorénavant il connaît la valeur de l’exemple.

Et pourtant, en l’écoutant, Julio Iglesias me revenait en tête : "Non, tu n’as pas changé." ...

Et le naturel revient au galop

Nicolas Sarkozy ne peut s’empêcher de conclure ce cours de morale à l’usage du public de Michel Drucker par une pique :

"… Il n’a jamais donné de leçon… et, mon dieu, comme tant de ceux d’aujourd’hui devraient s’inspirer de cet exemple."

Une fois encore, le style approximatif élide une partie de son message : qui sont ces "tant de ceux d’aujourd’hui"… Des journalistes ? Des socialistes ? Bien sûr.

Dans cette petite phrase, on retrouve le président qu’on a connu. Toujours prompt à s’inventer des adversaires pour appuyer sa propre pensée. Encore un effort, Monsieur Sarkozy, pour être comme Jean-Paul Belmondo, cet "homme que tous les Français aiment". Je vous ai retrouvé dimanche tel qu’en vous-même.

En cette période difficile pour l’exécutif, j’ai été un peu réconforté. Je ne regrette pas mon choix

(1) François Jost et Denis Muzet, "Le Téléprésident. Essai sur un pouvoir médiatique" (éd. de l’Aube).

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